lundi 11 mai 2009

Comment décrire une photographie à quelqu'un qui n'en a jamais vu?


«La minutie parfaite du tracé est inconcevable. Nulle peinture, nulle gravure ne s’en est jamais approchée. Par exemple: dans une vue de la rue, une enseigne était visible au loin, et l’oeil pouvait seulement discerner qu’il y avait des lignes de lettres dessus, mais trop minuscules pour qu’on pût les lire à l’œil nu. En appliquant au dessin une lentille puissante, qui grossissait cinquante fois, chaque lettre était clairement et distinctement lisible, tout comme les fissures et les lignes les plus minuscules sur les murs des bâtiments; et le pavé des rues. L’effet de la lentille sur le tableau était dans une large mesure semblable à celui d’un télescope dans la réalité.»
Traduit de l'anglais par François Brunet, "Samuel Morse, 'père de la photographie américaine'"

Comment décrire une photographie à quelqu'un qui n'en a jamais vu? Comment faire comprendre qu'il s'agit d'un nouveau type d'image, dont les caractéristiques diffèrent de tout ce qui est alors connu? Dans les lettres ou les comptes rendus rédigés dans les premiers mois de l'année 1839 à propos du daguerréotype, avant la divulgation du procédé, plus encore que l'aspect monochrome ou l'absence de mouvement, un trait a particulièrement frappé les observateurs: l'extrême finesse de la définition, qui se traduit par une incroyable minutie des détails. Pour rendre leurs lecteurs sensibles à cette dimension, qui suffit à distinguer le daguerréotype des représentations manuelles, Jules Janin, Alexander von Humboldt ou Samuel Morse relatent invariablement la même expérience (voir annexe ci-dessous). En examinant la plaque à l'aide d'une loupe, on y voit surgir de menus phénomènes, invisibles à l'œil nu: des brins de paille aux fenêtres des bâtiments du Louvre, une vitre cassée colmatée avec du papier, le texte d'une affiche, l'ombre projetée d'un oiseau sur le sable.
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illustration: Le reflet du photographe dans l'oeil du sujet. Détail (taille: 4 x 6 mm) d'un portrait anonyme au daguerréotype (7 x 6 cm), v. 1850, coll. part.